Après la publication de la liste des 26 Lions retenus pour disputer le Mondial qatari, l’on a vu dans deux « journaux » un fâcheux repli identitaire. Plus jamais ça !
On avait connu le « village électoral » du professeur d’université Roger Gabriel Nlep, de regretté mémoire, selon laquelle et pour résumer, la carte d’électeur ne porterait pas le lieu de résidence, mais nous rattacherait à ce que l’on appelle dans notre pays « village d’origine ». Désormais il faudra s’habituer aux « Lions du village », puisque selon deux publications apparemment sérieuses de la place, dans les Lions Indomptables, il y a désormais les Lions du « Grand Nord » et ceux du « Grand Sud ».
Dans leurs parutions de début de semaine et alors que les débats portaient sur la sélection ou non-sélection de tel ou tel joueur, ces journaux ont donc, dans la veine de ce qui semble être leur ADN, tenu à se démarquer, en se livrant à une arithmétique à laquelle on n’était pas jusqu’ici habitué : décompter et célébrer « leurs représentants », ceux de leur « communauté » (pour reprendre un autre terme à la mode dans le même registre).
On apprend ainsi que lorsque nos 26 mousquetaires chanteront l’hymne national jeudi prochain au Qatar, ce ne sera pas pour le vert-rouge-jaune national, mais pour un « Grand » Sud ou Nord. Les 11 qui seront sur le terrain ne seront pas identifiés par le fait qu’ils jouent pour le même pays, pour un même but, à savoir celui de porter haut les couleurs du pays. Mais pour ces deux publications, ce sera pour défendre des «frères du village».
Mais une fois rentré dans le détail du texte de ces articles, on a quelques difficultés à cerner les contours de ces « Grand ». On apprend ainsi, par exemple, que ce « Grand Sud » correspond en fait à la « Grande foret », sans que l’on sache exactement où elle commence et où elle s’arrête.
Toujours est-il que le sélectionneur Rigobert Song, pour ne citer que cet exemple, pourtant né à quelques encablures de Yaoundé au sein de ce que la géographie présente comme la forêt équatoriale, ne fait pas partie du « contingent du Grand Sud ». En revanche, un de ses hommes (Olivier Ntcham), né en Europe, qui ne saurait peut-être pas situer une ville sur une carte du Cameroun, parce qu’il n’y a peut-être jamais mis les pieds, en ferait partie.
On pensait que cette bataille entre des factions ethno-tribales avait pour seule finalité le contrôle des ressources de l’Etat, dans le contexte d’un système essentiellement prébendier. Maintenant on veut nous l’imposer sur la dernière chose qui nous unissait : les Lions Indomptables. Heureusement que la majorité, la grande majorité d’entre nous ne cèdera pas à ces sirènes de la sécession. Nous sommes nombreux, très nombreux, à nous sentir représentés par chacun de ceux qui défendront le vert-rouge-jaune jeudi prochain, qu’ils s’appellent Atangana ou Amadou.