L’agri-entrepreneur s’exprime sur l’ouverture de la Banque agricole qui a eu lieu le 14 mars dernier par La Regionale Bank.
Que represente concrètement l’ouverture d’une banque agricole pour le producteur dans notre contexte ?
Une banque agricole vient permettre la fourniture efficace et mesurée de services financiers à des clients dont la surface financière est jugée insuffisante par les banques commerciales. Dans un pays comme le Cameroun où la majeure partie de la main-d’œuvre adulte est dédiée à l’agriculture, cela contribuerait à catalyser les efforts entrepris par les producteurs pour sortir de la pauvreté et de la stagnation.
Pourquoi l’agriculture particulièrement? Eh bien simplement parce que les principaux éléments des dispositifs de réglementation bancaire ne conviennent pas, pour la plupart, au financement agricole. Prenons le cas d’un entrepreneur comme moi dans la production végétale. Si je reçois un crédit sans différé, à un taux d’intérêt variant entre 18 et 30% par an (hors mis entre autres les frais d’étude de dossier, assurance, positionnement), je me trouve dans l’obligation de commencer à rembourser le crédit dans 30 jours alors même que ma production ne fait que commencer. En d’autres termes, les entrepreneurs qui s’en sortent laisseront dans leur compte 2 à 3 mois d’échéances sur lesquels ils devront quand même payer des intérêts pour une activité encore chancelante. C’est dommage. Prendre de tels crédits dans l’agriculture, c’est clairement du suicide.
Avec une banque agricole, nous nous attendons à la mise en place d’un environnement juridique et réglementaire adapté, surtout en matière de taux d’intérêts, de cadre législatif des garanties. Nous escomptons un recours à de nouvelles techniques de prêt qui viendraient élargir l’éventail de garanties possibles pour les exploitants. Enfin, un réel accompagnement des prêteurs. Je connais beaucoup trop d’entrepreneurs dont le rôle des gestionnaires de crédit se limite à rappeler les échéances et piloter les démarches parfois agressives de recouvrements des créances. Il faut une formation adéquate et une assistance permanente des entrepreneurs agricoles en gestion financière et gouvernance de leurs entreprises. C’est pour le bien de tous. Sans oublier la prise en compte de la notion de genre, il a été démontré plusieurs fois que les femmes sont meilleures prêteuses que nous autres du sexe masculin mais les lois et règlements en matière de crédit (encore plus dans l’agriculture) ne jouent pas en leur faveur.
Propos recueillis par Esther Fossi