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Cameroun : la reprise d’ENEO par la CNPS ne rassure pas !

Un pool d’investisseurs conduit entre autres par la CNPS et la SNH a exprimé en novembre 2022 son intérêt pour…

Un pool d’investisseurs conduit entre autres par la CNPS et la SNH a exprimé en novembre 2022 son intérêt pour l’acquisition des parts du fonds britannique Actis dans Energy of Cameroon (ENEO).

Si l’opération est conclue avec succès, alors cela consacrera la renationalisation de la distribution d’électricité au Cameroun. En apparence, cela sonne comme un soulagement pour les consommateurs qui se demandent quelle aurait été la plus-value de la privatisation de la défunte SONEL. Mais dans le fond, cela suscite plutôt beaucoup d’interrogations au regard des réalités politiques et économiques du pays. Le changement de la structure de l’actionnariat et/ou la nationalisation sont-ils la solution aux problèmes de production et de distribution d’énergie au Cameroun ? L’État est-il un bon partenaire et un bon client ?

Manque de discipline budgétaire

Si la nationalisation (SONEL) et la privatisation de la distribution de l’électricité (AES-SONEL, ENEO) ne donnent pas satisfaction aux consommateurs, c’est aussi et surtout parce que l’État du Cameroun n’est pas solvable. Aussi longtemps que l’État consommera l’électricité sans payer, alors tous les modèles économiques que l’on développera seront voués à l’échec. L’épineuse question à répondre au Cameroun est de savoir comment contraindre l’État à payer ses factures. En 2023, comment faire le recouvrement des factures accumulés et non payées ? La dette globale due à ENEO par l’Etat s’élevait à plus de 186 milliards de FCFA (après 163,05 milliards de FCFA en mai 2021).

Au fil du temps, l’État s’enfonce dans le vandalisme administratif. Il paie de moins en moins ses factures, ce qui est très préjudiciable pour l’entreprise. En décembre 2021, ENEO avait dû lever 118 milliards de FCFA sur le marché financier pour apurer partiellement sa propre dette et payer ses fournisseurs (comme TRADEX, SONARA, SONATREL, EDC). C’est-à-dire que nous sommes dans un système où l’État ne paie pas ses factures mais, exige à ENEO de payer les siennes (près de 60 milliards de FCFA en 2021).

La vérité est que seul l’État du Cameroun peut reprendre ENEO. L’État est le plus gros débiteur de cette entreprise alors qu’il détient 44% des actions. Personne ne peut s’aventurer. On se rappelle que l’entreprise angolaise Aenergy n’avait plus donné suite à son intérêt exprimé en 2019. La reprise d’ENEO par l’État n’est donc pas une bonne nouvelle du point de vue économique. L’entreprise n’est pas viable et l’indiscipline budgétaire du gouvernement n’est pas de nature à rassurer. Je veux dire qu’aucune entreprise (CNPS en l’occurrence) ne peut tenir ses obligations contractuelles (investissements massifs) si l’un des plus gros client (État) ne paie pas ses factures.

La gestion qui aurait rassuré est celle qui serait prête à couper le courant à la Présidence ou dans les ministères en cas de non-paiement des factures. Nous savons tous que la CNPS et la SNH ne le feront jamais. Je crains que cette opération de reprise d’ENEO ne soit qu’un gouffre financier pour une entreprise comme la CNPS qui ne doit pas faillir dans sa mission de couverture de la sécurité sociale au Cameroun, notamment celle des retraités et autres travailleurs vulnérables ou accidentés.

Manque d’objectifs de performance

La gestion des entreprises publiques au Cameroun est plutôt patrimoniale. Elle ne répond pas aux exigences des objectifs de performance figurant pourtant dans les nouvelles exigences du FMI pour l’année 2023. La gestion d’une entreprise à capitaux publics comme la SNH est opaque et la longévité à la direction générale n’a strictement rien à voir avec les résultats (GAR). Cette situation étant généralisée avec par exemple l’éternisation au poste de PCA en violation totale des dispositions légales pertinentes, l’on peut douter du caractère exceptionnel de la structure qui sera mise en place pour gérer ENEO après la reprise par l’État.

Nous savons tous que la renationalisation de la distribution de l’eau (CAMWATER) n’a pas résolu le problème de pénurie. L’ancien directeur général de CAMWATER (2022) est parti sous fond de rébellion face à un État non-performant. Un État qui sacrifie constamment des boucs-émissaires pour camoufler ses vrais problèmes de vandalisme budgétaire.

L’État du Cameroun fixe des obligations contractuelles intenables à ENEO. Par exemple, l’entreprise doit approvisionner en fioul les centrales thermiques de CAMWATER qui accumulait 19,713 milliards de FCFA d’impayés en mai 2021. En dehors de CAMWATER, voici la liste des plus grands fossoyeurs d’ENEO en 2021 : entreprises et établissements publics (44,524 milliards), ALUCAM (17,315 milliards), SONARA (8,5 milliards), TRADEX (7,3 milliards), universités d’État et autres hôpitaux publics (4 milliards), CAMTEL (1,9 milliard), CRTV (1,4 milliard), etc.

Comme on peut le voir, c’est l’État qui pose problème. La solution durable est de changer de gouvernance au Cameroun. En l’état, le changement d’actionnariat et la nationalisation n’apporteront aucun soulagement tant attendu par les populations.

Le citoyen devra jouer son rôle. Le rôle de censeur. Il faudra sanctionner cette mauvaise gouvernance qui consacre notre misère au fil du temps. Les Camerounais ont droit à mieux. Et c’est notre engagement.

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